Un projet de coopération sino-kényan offre un nouveau modèle de responsabilité sociale pour les entreprises chinoises implantées en Afrique par Li Xiaoyu
Place à la formation
Un projet de coopération sino-kényan offre un nouveau modèle de responsabilité sociale pour les entreprises chinoises implantées en Afrique par Li Xiaoyu
EN 2014, quand Paul Mbutu Warutere
travaille dans une ferme de thé en banlieue de Nairobi, le jeune Kényan ne s’attend pas à faire ses études de master en mécanique et automatique dans l’une des universités les plus prestigieuses de Chine un an plus tard. Pourtant, c’est ce qui l’attend lorsqu’il décide de participer à un concours africain de compétences techniques, l’ATC (Africa Tech Challenge). Cette compétition unique permet aux candidats de suivre une formation technique et professionnelle intensive de deux mois. à l’issue de cette formation, et sans expérience préalable, Warutere parvient à fa?onner indépendamment des pièces mécaniques complexes à l’aide de machines-outils. Cet exploit lui permet de remporter la deuxième place de l’ATC, et d’obtenir une bourse d’études pour l’Université d’aéronautique et d’astronautique de Beijing. La troisième édition de ce concours ayant pris fin en octobre 2016, ies nouveaux lauréats rejoindront bient?t Warutere à Beijing. Comme iui, iis bénéficieront de ia coopération sino-kényane sur l’enseignement et la formation techniques et professionneis (EFTP), incarnée par i’ATC.
L’histoire de ce concours d’un nouveau genre commence en 2010, quand AVIC International, une entreprise publique chinoise spécialisée dans la construction aéronautique, et le ministère kényan de l’éducation, de ia Science et de ia Technoiogie (MEST) conciuent un accord d’une valeur de 23 millions de dollars. La société chinoise s’engage alors à assurer la mise à niveau et la modernisation des installations mécaniques et électrotechniques, ainsi que i’EFTP, dans dix étabiissements d’enseignement technique et professionnel du Kenya. Bénéficiaire des prêts préférentieis accordés par ie gouvernement chinois via la Banque d’import-export de Chine, ce projet de coopération est officieiiement mis en ?uvre début 2011.
? Peu après le lancement du projet, nous nous sommes aper?us que nos équipements, aussi modernes soient-iis, n’avaient pas été efficacement utiiisés. Par aiiieurs, i’EFTP au Kenya ne répondait pas vraiment aux besoins réels de l’industrie locale ?, explique à CHINAFRIQUE Qi Lin, ancien gestionnaire de projet chez AViC internationai. Un point de vue que confirme une enquête portant sur le climat des investissements au Kenya – menée par la fondation Sino-Africa Centre of Exceiiences (SACE), un think-tank basé à Nairobi visant à faciliter le commerce et les investissements entre ia Chine et i’Afrique. Au Kenya, i’EFTP accorde une attention excessive à la théorie, avec seulement 20 % des cours consacrés aux exercices pratiques. Conséquence : les étudiants n’ont pas les compétences requises pour travailler dans les entreprises locales.
Des participants à l’ATC sont formés par un expert chinois.
L’ATC m’a permis de trouver un emploi idéal, et les compétences que j’ai acquises pourront m’être utiles dans toute entreprise qui m’embauchera.
Joseph Nyakundi, candidat à la deuxième édition de l’ATC
C’est pour faire face à ce problème qu’AVIC Internationai, en coiiaboration avec ie MEST, iance en juin 2014 la première édition de l’ATC, visant à améliorer le savoir-faire de la main-d’?uvre kényane, notamment chez les jeunes. Portant, entre autres, sur l’usinage des pièces mécaniques, ce concours a pour principale caractéristique de fournir une formation intensive en préparation à la compétition. Les 238 candidats ayant participé aux deux premières éditions de l’ATC étaient issus de 87 établissements d’enseignement kényans. Mais cette année, la participation d’étudiants ghanéens,
ougandais et zambiens permet au concours de devenir véritablement africain.
? Au début, la plupart des participants n’avaient aucune idée de comment fa?onner avec une machine-outil et étaient incapables de réaliser indépendamment l’usinage des pièces mécaniques ?, raconte Zhao Leilei, gestionnaire de projet chez AVIC International. ? Mais au bout de deux mois, après une formation intensive, ils atteignent presque le niveau des mécaniciens chinois moyens. En d’autres termes, iis peuvent directement s’insérer dans une entreprise, sans avoir à suivre une autre formation. ? C’est le cas de Joseph Nyakundi, candidat à ia deuxième édition de i’ATC. En seuiement deux mois, ii passe de technicien de surface à mécanicien. ? L’ATC m’a permis de trouver un emploi idéal, et les compétences que j’ai acquises pourront m’être utiles dans toute entreprise qui m’embauchera ?, affirme ie jeune homme.
Les meilleurs candidats peuvent obtenir des récompenses monétaires, des offres de stage et d’emploi, ainsi que des bourses d’études pour poursuivre leur cursus en Chine. Par ailleurs, les universités gagnantes peuvent se voir décerner une commande d’un montant de 100 000 dollars pour la fabrication de pièces de rechange exportées vers la Chine. Cette récompense symbolique véhicule un message important : l’intérêt d’exporter du ? Made in Africa ? en Chine. ? Nous projetons de faire du‘Made in Africa’ un concept tout neuf pour inspirer aux entreprises kényanes une confiance dans ia quaiité de production des universités, et conduire ensuite à une coopération entre eiies afin de tirer pieinement profit des équipements performants et du savoir-faire des universités locales ?, explique Qi Lin à CHINAFRIQUE.
Seion i’enquête de ia fondation SACE auprès de 75 entreprises chinoises installées au Kenya, dans l’ensemble, celles-ci assument leur responsabilité sociétaie des entreprises (RSE) d’une manière relativement passive et manquent d’esprit d’initiative. Si des sociétés chinoises prennent part à certaines activités caritatives, eiies n’intègrent pas ia RSE dans ieur stratégie de développement ou dans celle du développement socio-économique des pays africains. ? Le projet de coopération sino-kényan sur i’EFTP s’efforce de mettre en piace un nouveau modèie de RSE pour ies entreprises chinoises impiantées à i’étranger ?, affirme Qi Lin. ? L’une de ses nouveautés consiste à tenter de répondre aux préoccupations majeures, tant pour la société kényane que pour le développement durable d’AVIC International, à savoir le problème du ch?mage et le manque de maind’?uvre quaiifiée. ?
La coopération sino-kényane permet en effet de s’attaquer, d’une part, au problème du ch?mage, de plus en plus grave dans la société kényane, avec un taux de 60 % chez les jeunes. D’autre part, le projet sino-kényan permet de répondre à la forte demande de maind’?uvre quaiifiée des entreprises chinoises. En effet, ies problèmes de co?t, de langue et les différences culturelles rendent indispensable la localisation des emplois à tous les niveaux. à l’occasion de la cérémonie de cl?ture de la troisième édition de l’ATC, le vice-Président kényan Wiiiiam Ruto a féiicité AViC internationai pour sa RSE, visible dans ses projets visant à améliorer les compétences techniques des étudiants africains.
Pour Warutere, l’ATC n’est que le point de départ pour une nouvelle carrière. De même, la coopération sino-kényane sur i’EFTP ne fait que commencer. En mars 2016, Wu Guangquan, PDG d’AVIC International, a annoncé que son groupe mettrait en place 135 centres de formation technique dans 47 comtés du Kenya, pour former plus de 50 000 étudiants par an. Le projet débutera en tant que projet pilote au Kenya et sera par la suite étendu à d’autres pays d’Afrique. Pour le moment, l’entreprise a conclu des contrats ou accords d’intention avec 13 pays du continent. CA
Pour vos commentaires : lixiaoyu@chinafrica.cn
Les participants sont formés pour intégrer le marché du travail.