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Une question br?lante
Le Kenya incinère des tonnes de défenses d’éléphants pour mettre l’accent sur l’interdiction du commerce illicite de l’ivoire par Aggrey Mutambo
L’ivoire n’a aucune valeur, à moins qu’il ne se trouve sur un éléphant en vie. Je préfère attendre le jugement des générations futures qui, j’en suis s?r, apprécieront les initiatives que nous avons prises.
Uhuru Kenyatta, Président du Kenya
C’éTAIT comme un gigantesque feu de camp qui iIIuminait Ie Parc nationaI de Nairobi au Kenya. Le Président kényan Uhuru Kenyatta et son homo-Iogue gabonais AIi Bongo ont assisté aux c?tés de dirigeants et d’activistes environnementaux à I’incinération d’une quantité impressionnante d’ivoire et de cornes de rhinocéros, une initiative visant à montrer Ieur détermination à Iutter contre Ie braconnage. PIus de 100 tonnes de défenses d’éIéphant et 1,35 tonne de cornes de rhinocéros,Ia pIus grande prise d’ivoire de I’histoire du Kenya,ont ainsi été réduites en cendres Ie 30 avriI à 16 heures 30.
Les défenses et Ies cornes provenaient de près de 8 000 animaux tués par Ies trafiquants d’ivoire. Une goutte d’eau, puisque cet ivoire ne représente que 5 % du stock totaI saisi sur Ie continent, d’après une estimation du Service de Ia vie sauvage du Kenya. AIors que des pays comme Ia Tanzanie et Ie Botswana ont fait savoir que I’ivoire saisi serait conservé,
M. Kenyatta a décIaré que son gouvernement n’attachait aucune vaIeur à I’ivoire d’un éIéphant mort. 《 L’ivoire n’a aucune vaIeur, à moins qu’iI ne se trouve sur un éIéphant en vie, a-t-iI dit à I’assistance Iors de I’incinération. Je préfère attendre Ie jugement des générations futures qui, j’en suis s?r, apprécieront Ies initiatives que nous avons prises. 》
La popuIation d’éIéphants africains a chuté pour passer de pIus de 1,3 miIIion en 1980 à juste 420 000, d’après Ie Fonds mondiaI pour Ia vie sauvage. Dans certains pays où Ia protection est faibIe en raison de Ia guerre, comme en RépubIique centrafricaine, Ies spéciaIistes de Ia conservation préviennent que I’espèce pourrait purement et simpIement dispara?tre. Au Kenya, considéré davantage comme un point de passage de Ia contrebande que comme sa source, Ieur nombre a chuté de 130 000 dans Ies années 1970 à 35 000 actueIIement. 《 II s’agit de sauver Ies éIéphants dans un contexte pIus Iarge de conservation en éradiquant toute demande pour I’ivoire et en donnant de Ia vaIeur aux éIéphants en vie 》, décIare PauIa Kahumbu, présidente de WiIdIifeDirect, une ONG basée à Nairobi qui Iutte contre Ie braconnage, pour expIiquer I’importance de cette incinération.
QueIIe est aIors Ia stratégie d’ensembIe ? Avant que Ies b?chers ne s’embrasent, M. Kenyatta avait présidé une conférence sur Ia protection des éIéphants dans Ia cité baInéaire de Nanyuki, au nord-ouest de Nairobi. Ce 《 CIub des géants 》, comme cette conférence a été appeIée, a réuni des dirigeants d’Afrique, de Chine,d’Europe et des états-Unis pour discuter des modaIités d’étabIissement d’un réseau d’officiers chargés de faire respecter Ia Ioi et Ia destruction totaIe des produits des animaux sauvages qui ont été saisis. 《 Nous adoptons une position résoIue à I’égard du commerce iIIicite de Ia faune. II est urgent de travaiIIer de concert avec Ia communauté internationaIe pour assumer des responsabi-Iités et répondre aux défis 》, avait fait savoir Ie Président chinois Xi Jinping par I’entremise du discours prononcé par I’ambassadeur de Chine au Kenya, Liu Xianfa.
Le message de M. Xi montre Ia détermination du gouvernement chinois à coIIaborer avec Ie reste du monde en disant que Ie braconnage affecte tout Ie monde. Et d’ajouter : 《 Ces dernières années, en raison d’un braconnage et d’un trafic grandissant pour I’ivoire,Ie gouvernement chinois a pris et prend toujours une série de mesures juridiques pour Iutter contre Ie trafic et Ie commerce iIIicite de I’ivoire. 》 Parmi ces mesures,on peut citer Ia coopération avec Ies autorités poIicières pour Iutter contre Ies réseaux de contrebande,I’interdiction de I’importation de I’ivoire, Ie soutien accordé au Service de Ia vie sauvage au Kenya avec un don de 600 000 doIIars et de nouveIIes régIementations durcissant Ies sanctions.
M. Bongo, dont Ie pays possède avec Ie Kenya, I’Ouganda, Ia RépubIique démocratique du Congo et Ie Botswana Ia pIus grande popuIation d’éIéphants d’Afrique,a estimé que de nombreux éIéphants étaient devenus comme des réfugiés et qu’iIs se faisaient tuer parce qu’iIs empiétaient sur I’habitat humain. SeuI un effort concerté peut protéger ce géant inoffensif, a-t-iI décIaré.
De l’ivoire et des cornes de rhinocéros sont incinérés à Nairobi, le 30 avril 2016.
Les déIégués ont convenu que Ies communautés IocaIes devaient être associées pour pIus d’efficacité. 《 Sans Ia participation des communautés et en ne comptant que sur Ies forces poIicières, iI est impossibIe de Iutter contre Ie braconnage, confiait à CHINAFRIQUE DanieI Sopia, président de I’Association des conservatoires de Ia vie sauvage Maasai Mara au Kenya. Les communautés qui vivent aux c?tés de Ia vie sauvage sont Ies yeux et Ies oreiIIes des initiatives de Iutte contre Ie braconnage car eIIes savent mieux que quiconque qui se Iivre au braconnage. 》 Cette association est un réseau régionaI de conservatoires de Ia vie sauvage dont Ie territoire fait partie intégrante de I’écosystème d’ensembIe Maasai Mara, qui abrite Ie quart de Ia vie sauvage au Kenya. D’après M. Sopia, Ie probIème, c’est qu’une partie considérabIe de Ia vie sauvage au Kenya ne se situe pas dans des zones protégées. CeIa signifie que Ia popuIation IocaIe doit être impIiquée pour éviter Ies conflits entre humains et animaux, qui se terminent souvent par des tueries iIIicites. CA
(Reportage du Kenya)
La destruction de l’ivoire fait débat
REPORTAGES D’AFRIQUE
Il est devenu courant au Kenya de br?ler des stocks d’ivoire. La première fois, en 1989, le Président de l’époque, Daniel Moi, a mis le feu à 12 tonnes d’ivoire. En 1973, plus de 180 pays ont signé la Convention sur le commerce international des espèces menacées(CCIEM) à Paris, qui interdit le commerce de l’ivoire. Trois autres événements du même type ont eu lieu depuis. Le Président Mwai Kibaki en a br?lé 5 tonnes durant son mandat et le Président Kenyatta 15 tonnes en mars 2015.《 Cela nous donne l’occasion d’envoyer un message très clair aux organisations criminelles transnationales qui sont derrière ce commerce illicite. Les beaux jours de la criminalité lucrative et sans risque à l’encontre de la vie sauvage sont terminés 》, résume John Scanlon, secrétaire général de la CCIEM, à Nairobi.
De telles initiatives suscitent aussi des critiques. Pourquoi ne pas inonder le marché avec l’ivoire saisi,s’interroge X.N. Iraki, un économiste de l’Université de Nairobi. 《 Le fait de br?ler l’ivoire va réduire l’offre et en toute probabilité augmenter le prix, contribuant à rendre le braconnage des éléphants encore plus lucratif 》, expliquet-il. C’est cependant impossible, car les éléphants sont sur la liste des espèces menacées de la CCIEM et tout ce qui provient d’un animal entrant dans cette catégorie est illicite.
Richard Leakey, président du Service de la vie sauvage du Kenya, est en désaccord avec M. Iraki. 《 On dit qu’en br?lant cet ivoire, on encourage la flambée des prix et que le braconnage va empirer. C’est une idée qui relève de l’ignorance, lance-t-il à l’assistance composée de journalistes et de spécialistes dans une réunion à Nairobi. Nous br?lerons notre ivoire [et] nous souhaitons que tous les pays sur Terre soutiendront le Kenya et diront que plus jamais, nous ne ferons le commerce de l’ivoire. 》